Le petit interview intempestif de : BOB VERSCHUEREN
par Jean-Paul Gavard-Perret
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Probablement que la réponse la plus honnête est : « Il n’y a pas de temps à perdre ». Les temps perdus ne se rattrapent jamais, or il me semble important de faire quelque chose de sa vie. C’est peut-être bien ça l’œuvre qu’on a à faire, forger sa vie.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Des milliers de rêves d’enfant se sont succédés, l’un chassant l’autre. J’avais surtout cette conscience de la fragilité de la vie qui générait en moi de l’inquiétude.
A quoi avez-vous renoncé ?
Je n’ai pas l’impression d’avoir renoncé à beaucoup de choses. Bien plus d’avoir accueilli des tournants, d’avoir redressé la barre, quand je sentais que la direction prise n’était pas la bonne. Ainsi, avoir abandonné la peinture a été bien plus une libération qu’un renoncement.
D’où venez-vous ?
Je viens d’une famille où, dès mon enfance, mon père me disait que la pire chose qui puisse m’arriver, c’est de devenir artiste. Pour lui, il voulait m’éviter une vie en bâton de chaise, avec une fin tragique. Tous les clichés de l’artiste maudit le hantait.
Qu'avez vous dû "plaquer" pour votre travail ?
Rien, en ce sens que je n’ai jamais eu l’envie de devenir riche. Pour moi, la vraie richesse est dans la qualité de la vie. Être est bien plus important qu’avoir.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Répondre à cette question, ce serait non seulement prétendre connaître parfaitement les autres artistes (et peut-être même les mettre tous dans le même panier !), mais aussi imaginer qu’une comparaison puisse donner des informations intéressantes.
Où travaillez vous et comment?
Partout. Quand je suis chez moi, c’est dans mon atelier que je travaille. Dans ce cas, l’espace relativement réduit me fait faire des travaux de petite taille, par exemple les « miniatures végétales ». Quand je suis ailleurs, je travaille dans les lieux d’exposition. Cette nécessité de devoir s’adapter aux différents lieux me motive beaucoup.
Quelles musiques écoutez-vous en travaillant ?
Je travaille rarement en musique. Peut-être parce que je suis trop mélomane que pour considérer la musique comme un « décor sonore ».
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Il y en a plein. J’aime particulièrement Francis Ponge, mais aussi Tabucchi, Pessoa, Michaux, Handke, etc.
Quelles taches ménagères vous rebutent le plus ?
C’est plutôt le bricolage qui me rebute. J’ai toujours cette frustration d’être peu doué pour scier une planche, reboucher un trou dans le mur, visser correctement etc. Cette incompétence peut me mettre en rage !
Quels sont les artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Forcément ceux qui ont une réflexion sur le rapport art-nature, mais pas exclusivement. Je me sens proche de ceux qui me semblent les plus idéalistes, les Don Quichotte de l’art. Par contre l’art-business, la Jet-set de l’art ne m’intéresse pas du tout.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Du temps. Il m’en manque souvent.
Que défendez-vous ?
Pas grand-chose. Je ne suis pas de ceux qui croient pouvoir sauver le monde. Tout ce que je souhaite, c’est faire autant que possible du bien aux autres, les aider à se poser les questions fondamentales, les aider à faire le tri et évacuer tout ce qui peut polluer notre vie : la haine, le mépris, l’égoïsme, …
Que vous inspire la phrase de Lacan : "L'Amour c'est donner quelque chose qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas"?
Ce genre de phrase ne m’inspire pas. Cela semble une sorte de faire valoir à l’usage des salons où l’on s’ennuie. Peut-être faut-il lire toute l’œuvre de Lacan pour comprendre ce qu’il a voulu dire par là.
Et celle de W. Allen : "La réponse est oui mais quelle était la question ?".
Parfois Woody Allen me fatigue. Je préfère celle de Groucho Marx: “Il vaut mieux parfois ne rien dire et passer pour un imbécile, que de l’ouvrir et confirmer qu’on en est un.”